jeudi 25 octobre 2012

CHAPITRE 1 : LA RENAISSANCE

« Je veux être remboursé!
- Très bien monsieur, puis-je voir votre facture s'il-vous-plaît?
- Je l'aie pas, mais tu vois bien que ça vient d'ici. Y'a le sticker du magasin dessus!
- Je vois, mais vous avez besoin de la facture pour un remboursement ou un échange.
- Regarde, je me retaperai pas la run jusque chez nous pour aller chercher un 'ti bout de papier. - Check dans ton système, ça doit être écrit quelque part.
- Avez-vous payé par carte de crédit ou par débit?
- Non, cash.
- Je suis désolée, mais je ne peux pas rien faire dans ce cas-là.
- Bin c'est ça mange d'la marde ma criss de chienne! »

Le client hors de lui quitta le magasin en claquant la porte. L'air déplacé se rendit jusqu'à l'arrière du comptoir où se tenait Michèle. Ses cheveux lisses et légers ondulèrent dans le coup de vent un instant. Ses yeux d'un vert pomme éclatant demeurèrent ouverts combattant ainsi le vortex intense créé par le souffle de la porte. Elle le fusillait du regard. L'expression est imprécise puisque Michèle s'imaginait plutôt lui assénant de multiples coups de couteau à la poitrine. Vous savez, un de ces moments où le temps se fige pour laisser place à nos fantasmes les plus noirs. C'est le seul rempart encore possible entre Michèle et la folie. C'est un exutoire, le seul soulagement encore accessible avant de franchir la ligne de non-retour. Michèle resta ainsi un moment, sans cligner ne serait-ce qu'une fois les yeux.


« Mais quel trou-de-cul!


Michèle venait de se faire sortir brusquement de ses pensées par son patron. Il lui fallu un moment pour revenir à elle.


- Tu ne dois pas te laisser faire comme ça, ni te laisser atteindre. Écoute-moi, sinon j'ai peur que tu ne fasses pas long feu dans le métier, continua-t-il.

- Ça va, je suis capable d'en prendre, répondit-elle d'un ton assuré.
- Ok, je te laisse gérer ça à ton goût. T'es forte, j'aime ça.

Il s'accota sur le comptoir en la regardant avec un sourire charmeur. Il n'y avait rien à ajouter, c'était malséant pour Michèle. Il eu un silence et il la fixa un instant.


- Tu sais, tu as un avantage par rapport aux autres employés... Personne n'oserait faire de mal à une aussi jolie fille que toi.


Michèle était effectivement très belle. Elle mesurait environ cinq pieds-cinq pouces, mince, un visage jeune pourvu de belles joues rondes, des cheveux soyeux et fins, des hanches bien-proportionnées à sa taille et une poitrine généreuse et ferme que son patron avait remarquée dès le premier jour. Par contre, là n'était pas la question : La remarque de son patron était déplacée. Elle l'écoutait sans le regarder, sans dire un mot, rangeant des papiers qui traînaient sur le comptoir. Comme elle n’eut pas de réaction significative, il poursuivit :


- Je me disais que je pourrais peut-être te donner ton avant-midi demain. Ça te permettrait de sortir et de veiller tard... Aller prendre quelques verres... Avec moi peut-être. Qu'est-ce que t'en dis?


Elle se tourna vers lui et aussitôt il comprit. Elle arborait le même regard que plus tôt, celui qui était destiné au client. Il compris instantanément que sa réponse serait négative. Il ignorait par contre les détails des pensées macabres qu'elle avait eues envers le client qui venait de sortir. Il ignorait aussi qu'elle était la vision qui lui venait à l'esprit à ce moment même. Peut-être était-ce mieux ainsi. Peut-être est-il mieux que nous ne nous y attardions pas non plus. Bien que texte soit le récit d'un personnage troublé, nul besoin n'est de se contempler dans le sadisme. Nous dirons les choses telles quelles seront sans toutefois faire la promotion de la cruauté ou de la barbarie. C'est néanmoins ce qui décrierait le mieux la vision de Michèle. Elle tourna donc la tête vers son employeur, puis l'inclina légèrement sur sa gauche. Seules ses lèvres bougèrent si ce ne fut de son œil gauche qui sautillait un brin, comme lorsqu'on est sur le point d'exploser.


- Je partirais bien plus tôt ce soir à la place. Maintenant, si ça te va bien sûr... »


Le sentiment était clair, le message, éloquent : Il fallait la laisser partir ou s'attirer sa colère. Il y eu un court silence qui aurait paru une éternité pour quiconque se serait trouvé dans le magasin. Puis, comme le patron de Michèle était sans voix, elle ramassa rapidement son sac à main, le tout sans le quitter du regard et elle quitta. On peut facilement imaginer le « pauvre » homme poussant un soupir de soulagement une fois Michèle partie, mais ce n'est pas l'histoire de cet homme que nous racontons...


Une fois la porte du magasin passée, Michèle se dirigea bien sûr vers son auto. Elle débarra la serrure et s'assit. Dès ce moment, un sentiment d'apaisement s'empara d'elle. La journée de travail maintenant terminée, elle se retrouvait déjà comme chez elle dans son véhicule. Malgré ce qu'elle venait de subir, rien ne pouvait plus l'atteindre à présent. Elle resta ainsi un moment tout en respirant de manière excessive pour se calmer puis démarra la voiture. Le son du moteur qui peine à démarrer, celui de la structure de plastique qui secoue à chacun des soubresauts de l'engin, les bourrasques de vent qui s'infiltrent et sifflotent... Chacun de ces sons résonnaient comme une mélodie apaisante aux oreilles de Michèle. Elle se surprit elle-même, le temps d'un moment de contemplation, à apprécier la quiétude simplement pour ce qu'elle est. Elle fermait les yeux... et souriait. Un instant plus tard, elle se trouvait déjà sur la route, retournant chez elle. Il ne fallait pas trop traîner puisqu'il fallait quand même une heure pour rejoindre son domicile.


Le soleil se couchait déjà à sa sortie du magasin. Le ciel se disputait des teintes d'orange brûlé et de violet, le tout tacheté de sombres nuages noir. Michèle était en émerveillement total devant un si beau spectacle, une représentation interprétée par la nature elle-même. Elle était émue, serine. Puis, un grand coup dans le volant fit résonner une douleur intense jusqu'à ses épaules. Aussitôt, un intense bruit de fracas et de tôle froissée retenti bruyamment. Michèle tourna la tête vers la route. Elle vit alors les yeux de sa victime grands ouvert, remplis de terreur, fracassant le pare-brise. Les bois de la bête s'étaient coincés dans ce qui restait de la vitre, lui retenant la tête brutalement écrasée près du visage de Michèle. Elle appuya sur les freins sans retenue, complètement apeurée et désemparée. La voiture glissa un bref instant puis s'arrêta dans un nuage de fumée. Michèle criait de toutes ses forces, les poings recroquevillés sur sa mâchoire, les jambes encore crispées, écrasant ainsi les freins. L'animal, qui avait désormais les yeux injectés de sang, réussit à se libérer, arrachant des lambeaux de sa propre chair coincés dans le pare-brise. Michèle se détacha et sorti du véhicule qui fumait déjà dangereusement. Ses jambes ne lui obéirent pas comme à l'habitude, elle dû donc amorcer son mouvement comme l'aurait fait un primate, à quatre pattes. Lorsqu'elle réussit à se redresser et à s'éloigner suffisamment de la scène, elle constata l'état lamentable de sa voiture qui avait maintenant prit feu à l'avant. L'animal avait eu une réaction similaire, gisant un peu plus loin. Elle vérifia l'état de ses jambes qui ne l'avaient pas préoccupée auparavant puisqu'elle ne sentait aucune douleur. Elle titubait légèrement mais tout semblait correct. Michèle contourna l'auto en feu et rejoignit le chevreuil étendu sur la route. Il y avait une impressionnante mare de sang sous la bête. Cette dernière se lamentait bruyamment et gargouillait se noyant dans ses propres fluides. Quelle mort atroce, quel supplice, se dit Michèle! Leurs regards se croisèrent, et bien que compatissante, Michèle éprouvait un sentiment nouveau, quelque chose qui lui était inconnu et étrange.


Plusieurs sensations contradictoires la parcouraient. Encore sous le choc, son jugement la trahissait sûrement, se dit-elle. Elle se senti soudainement très proche du blessé. Elle pouvait désormais percevoir la vie qui s'échappait lentement de son nouvel ami. Sa mort, sa lente et tourmenteuse agonie nourrissait en quelque sorte un besoin qui, d'une façon soudaine et très improbable, devenait vital chez Michèle. Tout ça la stimulait, plus que tout, beaucoup plus qu'un coucher de soleil. Elle regarda au loin,  ce dernier disparaissait lentement, faisant place à la noirceur. Elle se senti en symbiose avec ce qu'il l'entourait, sa propre noirceur s'emparant malicieusement d'elle. Elle renaissait, vampirisant l'essence vitale de l'animal. Elle regarda la scène dans son ensemble. Ensuite, elle se passa la main sur le visage puis dans les cheveux. Confuse, ne sachant plus trop quoi faire, elle regarda au loin, de chaque côté de la route. Elle était seule. On ne pouvait entendre que le crépitement du véhicule en feu, les plaintes de la bête et son propre souffle. 


Elle se frotta le coup, puis les clavicules, se massant un brin. Ces mains descendirent doucement et naturellement sur sa poitrine qu'elle empoigna ensuite. C'était un réflexe, un mouvement qui se voulait rassurant, rien de plus. Elle était à fleur de peau. C'était un simple geste d'auto-réconfort... Qui se transforma sans prévenir en une caresse. Elle sentait sur son visage la chaleur du feu en contradiction avec une légère brise un peu froide. Ses mamelons raidirent sous sa brassière. Un désir douteux s’emparait d'elle. Bien qu'elle était consciente qu'être stimulée par tout ceci était inhabituel et moralement inquiétant, elle ne pouvait refréner son envie et continua à se toucher, sa main droite s'occupant de ses seins, sa gauche, de son ventre. Elle vivait un dilemme, une torture interne. Instantanément, elle ressentie un désir intense, un fantasme naissait. Mais, une idée comme celle-là relève de la démence, se dit-elle. Son désir la consumait. L'attrait d'assouvir cette pulsion qui la rongeait maintenant était enivrant. Sa main, hésitante, était tentée de quitter son ventre se rabattant tranquillement vers ses cuisses.


Michèle s'approcha du coffre arrière de la voiture. Il était à peine accessible à cause de toute cette fumée noire et dense. Une fois ses yeux habitués, elle remarqua que le coffre était déjà entre-ouvert. C'était sûrement dû à l'accident. Elle extirpa une clé en croix disposée sous le pneu de secours et la serra contre elle. Le métal était froid. Elle tournoya un moment sur elle-même, se réjouissant de la suite, dansant comme une gamine. Elle contourna la voiture, sautillant de pas de ballerine un peu gauche. L'état du chevreuil n'avait pas beaucoup évolué si ce n'est que le sang s'accumulait de plus en plus. Ils se regardèrent l'un, l'autre un moment. La bête avait le regard explicite. Si elle avait pu parler, elle aurait sûrement implorer qu'on l'achève. Michèle piqua l'animal avec l'outil, fascinée et curieuse. Son appétit la chaviraient, mais elle n'avait plus honte. Elle asséna plusieurs coups au la tête du chevreuil. Le sang giclait sur sa jupe blanche. Elle n'avait jamais été aussi émoustillée. Tout son corps frémissait d'envie.


Elle s'assit donc et commença à effleurer sa peau. Puis, elle se caressa sans retenu. L'animal, toujours conscient, assistait à la scène, troublé de plus belle. Elle pinçait, tortillait ses mamelons de tous côtés fougueusement. Elle souleva sa jupe et retira ses culottes qu'elle lança à la tête de l'animal en riant, cachant sa bouche comme une écolière avec un excès de gêne. Débarrassée, rien ne barrait plus la voie maintenant à ses mouvements. Elle prit un instant pour se repositionner plus confortablement et écarta les cuisses. Elle toucha son sexe et fut étonnée de la chaleur qui s'en dégageait. Le contraste de ses doigts froids la fit glousser légèrement. Elle retira ensuite sa main et la porta à son visage. Elle fut ébahie à la vue de tant de cyprine. Sa main dégoulinante perlait aux lueurs du feu. Elle se masturbât énergiquement une minute ou deux, croisant parfois le regard de son compagnon passif. « Regarde-moi jouir, lui dit-elle entre deux spasmes. » 


Michèle avait l'entre-jambe complètement trempé si bien qu'elle ne remarqua pas tout de suite que le sang de l'animal s'étendait maintenant jusqu'à elle. Sa jupe blanche pourvue de dentelle aguichante trempait dans la flaque rouge qui l'entourait à présent. Michèle était littéralement à deux doigts de venir lorsqu'elle le remarqua. La vue de son corps baignant dans tout ce sang la fit crier d'extase et jouir précipitamment. Elle se dit que c'était de loin le meilleur orgasme qu'elle n'avait jamais eu puis elle ria, pleinement satisfaite. Elle s'étendit ensuite de tout son long appréciant de patauger dans cette marre de sang. Elle y resta un instant, jouant et riant comme un enfant. Elle fit même comme un ange dans la neige, battant frénétiquement des bras et des jambes. Son regard se posa par la suite sur le chevreuil, le seul témoin de sa représentation, son complice. Elle lui souriait, mais lui ne lui rendait pas. Il ne bougeait plus, il était mort. Un vide indescriptible s'empara de Michèle. « Regarde-moi, regarde-moi comme je suis belle, lui répéta-t-elle plusieurs fois! » Elle commençait à réaliser ce qui venait de se produire et l'excitation faisait place à la détresse. Elle détourna le regard, les yeux grand ouverts et remplis d'effroi, se recroquevillant sur elle même en position fœtale. Ce qu'elle avait fait était sale, vil et désaxé. Ce n'était toutefois pas ce qu'y l'attristait le plus... Jamais plus, non, jamais plus elle ne pourrait ressentir une telle jouissance, un orgasme si pur! Le vent se rafraîchissait, les flammes diminuaient. Il faisait de plus en plus froid couchée dans la marre, mais Michèle ne bougerait plus, elle se laisserait emporter seule dans la nuit. Plus rien à faire, plus rien à vivre.

INTRODUCTION

   L'appel du sang. À quel point est-il si étrange voir malsain de ressentir ce besoin. Nous regardons tous des films plus ou moins sanglants, violents, sadiques... Personne ne fait cela par auto-punition, c'est un désir. Ce qui différencient les déséquilibrés des gens « normaux » est sûrement le passage du désir au besoin. Pourtant, sans nourrir ce désir, l'escalade est pour certains inéluctable. Est-ce dû à une enfance trouble, à des parents abusifs? Est-ce à force de se faire ridiculiser, abaisser, humilier? Doit-on voir en cela un simple réflexe de vengeance ou le fantasme de prendre de l'ascendant sur ses bourreaux d’antan? Nous y reviendront sûrement, mais pour le moment, le temps nous manque pour ces réflexions. Il y a une histoire que nous devons raconter, une histoire que vous connaissez peut-être déjà. Cette histoire pourrait peut-être même être la votre...